Les points de vue, généralités

En technique d’écriture, il existe un élément qu’on ne peut pas ignorer : le point-de-vue selon lequel est raconté l’histoire. Ce point de vue fait partie intégrante du style narratif et son choix a des impacts très importants sur la manière dont le lecteur va percevoir votre texte. Il est donc essentiel de faire ce choix de manière raisonnée et en toute connaissance de cause, car chaque type de point de vue possède des particularités propres.

De manière générale, on distingue trois types de point de vue : externe, interne et omniscient. Cependant, je trouve cette manière de présenter les choses très réductrice. Non seulement il existe des variantes à ces absolus, mais pour moi, d’autres éléments du style d’écriture ont un impact similaire sur la façon de percevoir l’histoire : le temps de narration et les pronoms utilisés, en particulier. Mais je reviendrais sur ces nuances dans des articles ultérieurs. Tout d’abord, présentons les trois grands types de point de vue !

Point de vue externe :

Lorsqu’un texte est écrit d’un point de vue externe, le lecteur accède à l’histoire à la manière d’un témoin extérieur et silencieux. Il ne sait que ce qu’il est capable de voir à un moment précis. Il a donc accès, selon les moments, aux actions, paroles, mimiques des personnages, aux décors dans lequel ils évoluent, aux évènements qui surviennent. En réalité, c’est une manière d’écrire très cinématographique, car le lecteur lit par le biais d’une caméra judicieusement placée, sans avoir accès ni aux pensées des protagonistes, ni aux évènements qui se déroulent « hors champs ».

Ce style me parait surtout adapté à un texte lent, assez descriptif voir contemplatif. Il permet de longues descriptions poétiques, laisse le lecteur imaginer les émotions des personnages en fonction de ce qui est visible de l’extérieur. Mais personnellement, c’est un pdv qui me donne beaucoup de mal, car il chasse le lecteur à l’écart de l’histoire, le met à distance des personnages et l’empêche de s’identifier. D’ailleurs, c’est un style extrêmement rare aujourd’hui, et je crois bien n’avoir jamais lu de roman l’utilisant. Mais comme j’ai cherché pour vous, j’ai trouvé ça : Des souris et des hommes, de John Steinbeck

« Le premier homme s’arrêta net dans la clairière, et son compagnon manqua de lui tomber dessus. Il enleva son chapeau et en essuya le cuir avec l’index qu’il fit claquer pour en faire égoutter la sueur. Son camarade laissa tomber ses couvertures et, se jetant à plat ventre, se mit à boire à la surface de l’eau verte. Il buvait à grands coups, en renâclant dans l’eau comme un cheval. »

Point de vue omniscient :

À l’exact opposé du pdv interne se trouve l’omniscient. Dans un roman raconté de cette façon, le lecteur aura non seulement accès à ce qui se déroule devant ses « yeux », mais également aux pensées des différents personnages présents, ainsi qu’à des évènements du passé, d’un autre lieu du récit, voire du futur.

Ce type de narration est intéressant pour les romans à intrigue complexe, avec de multiples personnages dont on souhaite connaitre le ressenti. Ou bien, s’il est essentiel de saisir chaque élément du mécanisme qui permet de donner tout son sens à l’histoire. Il permet également de faire jouer l’ironie dramatique : ce moment où le lecteur en sait plus que le héro (par exemple, l’identité du méchant, l’existence d’un piège sur son chemin, une bataille perdu à des centaines de kilomètres…).

Encore une fois, c’est un type de narration que je maîtrise mal. Car je trouve difficile techniquement de suivre la psychée de plusieurs personnages à la fois tout en restant clair et immersif. On trouve trop souvent, chez les auteurs débutants, du « faux-interne » : une narration qui est du point de vue d’un personnage la quasi-totalité du temps, mais se permet des incartades dans d’autres pensées lorsque cela arrange l’auteur. Pour pallier à ça, un pdv omniscient doit l’être réellement, raconter l’histoire vue par un être qui sait tout, tout le temps, et donne au lecteur toutes les clefs nécessaires à chaque instant de l’histoire, et pas juste celles qui arrangent l’auteur. Un exercice délicat surtout utilisé par des auteurs traditionnels comme Balzac, Jules Verne ou Lemony Snicket, auteur de « Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire »

« Ce soir-là, tout en regardant la nuit absorber le lac sombre, Violette, Klaus et Prunille sentirent monter en eux une crainte sourde. Ce n’était pas une phobie, mais le plus grand expert en terreurs aurait été bien en peine de dire si cette peur était rationnelle ou pas. La crainte des enfants Baudelaire était de voir une nouvelle catastrophe s’abattre sur eux. »

Point de vue interne :

Le point de vue interne, aussi appelé focalisation interne, est une sorte de compromis entre le point de vue externe et l’omniscient. Il s’agit de raconter l’histoire à travers les yeux d’un unique personnage. Ainsi, le lecteur aura accès aux sensations, aux émotions et aux pensées de ce personnage, et de celui-là uniquement, comme s’il était purement et simplement à sa place. Bien entendu, il est possible d’alterner les pdv au cours d’un même texte, en faisant se succéder plusieurs personnages au fil du récit. Mais il est important que ces points de vue soient correctement séparés et distincts, afin que le lecteur sache en permanence dans quelle « tête » il est.

C’est un type de narration que j’affectionne particulièrement, et à vrai dire, le seul que j’utilise. Pour moi, cette narration permet une plongée dans la psychée des personnages qui nous racontent l’histoire, nous offre la possibilité de nous mettre entièrement à leur place, de vivre l’histoire à travers eux car on la ressent par leurs sens et on comprends ce qui motive chacune de leurs actions (tout en comprenant beaucoup moins bien ce qui motive celles des autres personnages). Et je trouve que cela donne une réalité toute particulière aux textes narrés de cette façon. L’inconvénient est bien entendu qu’il est impossible au lecteur de savoir ce que le personnage ignore, sauf à faire des recoupements et des déductions. À moins bien sûr d’avoir fait un petit tour du point de vue de son ennemi au cours du chapitre précédent ;).

Un élément particulier de la focalisation interne (et plus particulièrement du deep point of view, une méthode de focalisation interne poussée à l’extrême), est que la plume de l’auteur se fond derrière la voix de ses personnages. En effet, un artisan qui travaille de ses mains et un intellectuel spécialisé n’auront pas la même manière de regarder le monde, de penser. S’ils vivent tous deux le même évènement, ils ne se concentreront pas sur les même choses et ne le penseront pas avec le même champ lexical. Et il est important pour un bon auteur de réussir à faire transparaître ça à travers l’utilisation d’une narration interne multiple. Que chaque personnage trouve sa voix, sa manière de s’exprimer qui, dans l’idéal, permet au lecteur d’identifier le personnage dont il emprunte l’esprit dès les premiers lignes. C’est le grand défi de la focalisation interne, de nous faire vivre un personnage jusqu’au travers du style d’écriture.

Et bien sûr, puisque c’est mon style d’écriture favori, je me permets de vous glisser un extrait de mes propres textes pour illustrer ! Voici donc une partie de la scène d’ouverture de Prison Putsch (extrait issu d’un premier jet non retravaillé, soyez indulgents).

« J’entre dans la cellule et me fige direct. Putain, je sais pas à quoi je m’attendais, mais pas à ça ! Le minet est adossé au mur, les bras croisés, deux yeux verts fixées sur moi avec une attitude de bad-guy. Sauf qu’il porte un débardeur rose, un jean moulant et des cheveux blonds tressés qui retombent sur son épaule. Non, sérieusement ? Ce mec se ballade en taule comme ça ? Ses yeux croisent les miens, puis descendent le long de mon corps, lentement. Ses lèvres se tordent dans une moue vaguement appréciative. Si je sentais pas le surveillant dans mon dos, je ferais demi-tour. Il faut que je me fasse coffrer pour me faire reluquer par un PD, si ça c’est pas le monde à l’envers !
Il revient sur mon visage, se décolle du mur avec grâce et avance d’un pas… lascif. Ouais, ça fait roman de gare, mais je n’ai pas mieux. Soudain, il tourne sur lui-même comme un mannequin, bras écartés.
— Alors, tu aimes la vue ? Toi, t’es pas mal. Un peu tatoué. Mais bon, on va faire avec. C’est quoi ton nom, beau-gosse ? »

Transversalité

Bien entendu, rien de ce que j’ai indiqué au-dessus sur les utilisations de ces points de vue n’est absolu. On peut très bien faire du contemplatif avec de l’omniscient, de l’ironie dramatique et des intrigues complexes avec de l’interne (il n’y a qu’à voir Le trône de fer). Je me suis contentée de vous décrire ce qui, à mon avis, était le plus facile à faire ressortir avec chacun de ces styles narratifs. Mais c’est la beauté de l’écriture, qu’il est tout à fait possible, lorsque l’on maîtrise suffisamment bien un outils, de s’en servir pour faire l’inverse de ce à quoi il est « destiné » à l’origine. Alors, expérimentez, transgressez les règles, et surtout étonnez vos lecteurs !

 

Voilà pour la première partie de cet article sur les narrations ! À venir, une étude plus approfondie de la focalisation interne avec ses différents degrés (la deep point of view, notamment), les temps, les pronoms et les différentes manières d’allier tout ça ! N’hésitez pas à commenter pour me dire ce que vous pensez de ces types de narration !

Et bien sûr, comme d’habitude, si vous souhaitez en savoir plus sur mes textes, ou découvrir mes prochains articles, n’hésitez pas à vous abonnez à ma page facebook ou mon compte twitter !

L’écriture à 4 mains

Me voilà de retour pour un nouvel article ! Je pensais à un sujet sérieux, comme une étude des points de vue et de la narration mais… n’arrivant pas à me motiver pour le moment, j’ai décidé de vous parler d’un truc plus fun, qui occupe déjà pas mal de mon temps : l’écriture à 4 mains ! Vous en avez déjà entendu parler ?

Quatre mains, ça veut dire deux auteurs, deux univers, deux styles, deux visions… mais un seul texte ! Commençons par un tour d’horizon des possibilités !

Les quatre mains, comment ça marche ?

Tout d’abord, comme souvent en écriture, pas de recette miracle. Il y a autant de façon d’écrire à quatre mains qu’il y a de duos d’auteurs qui s’essayent à l’exercice. Et si l’on peut considérer que le véritable quatre mains consiste à tout créer ensemble, de l’univers au roman terminé, cette option reste très probablement minoritaire de par la complexité de sa mise en oeuvre. Car s’il est relativement aisé de discuter des règles d’un univers inventé, il est déjà plus difficile d’interpréter de la même manière le caractère d’un personnage et presque impossible d’avoir un style d’écriture absolument identique.

De l’autre côté de l’échelle, on trouve des quatre mains beaucoup plus « dissociés », où les auteurs ont des rôles très différents. C’est notamment ce qui peut se faire dans d’autres style narratifs, comme par exemple la BD où il y a souvent un scénariste et un dessinateur. De la même manière, un roman peut être « scénarisé » par un auteur et rédigé par un autre.

Et au milieu de tout cela, il y a les intermédiaires. Des romans qui sont effectivement scénarisés et rédigés par deux auteurs qui travaillent en symbiose, mais en se partageant la narration. La manière la plus simple, et sans doute la plus courante de procéder, est de se partager les personnages principaux. Ainsi, lorsque le roman est écrit en focalisation interne multiple, donc raconté successivement par plusieurs personnages, le style général de l’écriture s’efface derrière les « voix » des personnages qui devraient permettre au lecteur d’identifier en une ligne celui qui raconte (grâce à son phrasé, son niveau de langue, sa manière de réfléchir ou de voir le monde, les champs lexicaux utilisés…). Ainsi, deux auteurs avec des styles pas tout à fait identiques peuvent se partager l’écriture, chacun d’eux « incarnant » un personnage, à tour de rôle.

Un quatre mains particulier : le cross-over

Avez-vous déjà lu des cross-over ? Vous savez, ces textes où vos héros préférés rencontrent d’autres héros tirés d’autres textes (les Avengers sont un bon exemple!). Eh bien, le cross-over est une catégorie de texte à quatre mains, lorsque les personnages appartiennent à des auteurs différents, et qu’ils sont rédigés par leurs auteurs respectifs, bien sûr.

Mais le cross-over a cela de particulier que ni l’univers ni les personnages ne sont réfléchis en commun par les deux auteurs. Cela veut dire un travail d’adaptation et de compromis parfois plus important que pour un quatre mains traditionnel, mais aussi une plus grande méconnaissance d’une partie des éléments de l’histoire par les auteurs. Ce type de quatre mains est le seul sur lequel j’ai travaillé pour le moment, le seul dont je connais le fonctionnement, donc. Et encore une fois, il peut être différent en fonction du texte travaillé ou de l’auteur qui partage votre plume. Je le sais, car j’ai réalisé des cross-over avec trois personnes différentes et pas mal de mondes et de persos !

Le premier soucis, en particulier quand on travaille en SFFF, c’est la cohérence des univers. Magie/pas magie, technologie, planète… parfois, les univers des textes que l’on veut faire cohabiter ne sont tout simplement pas compatibles. Eh bien soit, si l’on est motivés et que l’on fait fit d’une trop grande crédibilité (après-tout, c’est pour s’amuser), il est possible de faire beaucoup de choses ! Et alors, tous les moyens sont bons pour expliquer cette convergence d’univers : portails magiques, voyages dans le temps, passerelle spatiale… le tout est de garder une cohérence des réactions des personnages face à ces évènements. Pour ça, mieux vaut quand même avoir des persos un peu ouvert d’esprit !

Viennent ensuite les personnages, pas les nôtres mais les « autres », ceux qu’on aime assez pour vouloir les intégrer à notre histoire, mais qu’on ne connait pas assez pour deviner finement leurs réactions. C’est là que la collaboration commence. Échanges de mails, discussions instantanées (vive les chat-box privées), permettent de décrire les réactions et expressions des différents personnages. Et pour les dialogues, je n’ai encore jamais tenté autrement que de l’écrire en « live », à savoir, chaque auteur répond à la place de son personnage dans un jeu d’improvisation d’écriture qui a quelque chose d’absolument fascinant et excitant, car la scène évolue non pas en fonction de nos persos, mais aussi en fonction de persos dont on ne prévoit pas du tout les réactions !

Et ainsi, nos personnages vont cohabiter, se détester ou s’adorer ! Une issue qu’il est parfois possible de prévoir… ou pas. Car pour les jardiniers que nous sommes (moi et mes co-autrices en tout cas) ce sont toujours les personnages qui décident. C’est ainsi qu’une aventure peut se terminer prématurément (Non, je veux plus jamais les revoir!) ou au contraire, qu’un évènement ponctuel peut devenir une amitié de trente ans solide comme le roc ! Au point que les personnages de l’autre finissent par s’inviter en guest-star dans nos propres univers. Et comme mon héro, je crois que je ne sais pas leur dire non… parce que moi aussi, je les aime !

Et vous, comment écrivez-vous à quatre mains ? Envie de raconter vos expériences, bonnes ou mauvaises, de partager d’autres manières de se répartir l’écriture, d’autres visions de cet art collaboratif ? N’hésitez pas à intervenir dans les commentaires !

Si vous souhaitez en savoir plus sur mon univers, n’hésitez pas à suivre mon actualité sur ma page facebook ou mon compte twitter !

Les rituels d’écriture, qu’est-ce que c’est ? (ou pourquoi ma Muse est un triton).

Beaucoup d’auteurs possèdent des rituels d’écriture. Certains ne peuvent écrire qu’à leur bureau, d’autres ne le font que dans des lieux animés comme des cafés, il y en a qui n’écrivent que le matin ou que le soir, en musique, après avec checké facebook… les rituels sont aussi nombreux que les écrivains. Ils font également partie de la vision fantasmée que l’on a de ce métier.

image écrivain.jpg

Peut-on écrire sans rituel ?

Superstitions, petit coup de pouce ou élément indispensable ? Cela dépend des gens. Certains auront besoin de conditions très précises pour se concentrer. D’autres écriront n’importe où et dans (à peu près) n’importe quelles conditions.

Une chose est sûre, les rituels ne sont pas indispensables pour écrire. Vous n’en avez pas ? Et alors ? À part pour déconner entre auteurs en herbe qui s’amusent à comparer les plus loufoques, ils ne sont pas indispensables. Du moins, la plupart du temps. Si vous avez envie d’écrire, qu’une scène vous trotte dans la tête mais que vous n’avez pas votre logiciel fétiche d’ouvert sur votre ordinateur fétiche posé sur votre bureau fétiche avec votre chat fétiche sur les genoux, gribouillez la sur une feuille de brouillon. Il sera toujours temps de chercher le chat après.

Alors, à quoi servent les rituels ?

Les rituels sont ni plus ni moins qu’un moyen de se mettre en conditions. Comme si vous disiez à votre cerveau :  » Prépare-toi, dans 2 minutes, j’écris. Je compte sur toi !  »

Car notre cerveau fonctionne beaucoup sur des habitudes. Si vous effectuez chaque soir un geste avant de vous coucher, cela peut favoriser votre endormissement. De la même manière, si votre cerveau associe un acte au début de l’écriture, il aura tendance à s’activer et vous serez plus vite concentré sur votre tâche.

Les rituels de motivation

Le rituel peut aussi être un moyen de vous contraindre à l’écriture. Un signal que vous vous adressez à vous-même et qui vous donne l’obligation morale d’arrêter de procrastiner.

Personnellement, j’en ai deux de ce type. Le premier est de lancer un site internet de fonds sonores (MyNoise pour ne pas le citer). J’écris la plupart du temps en silence, mais parfois, ce silence peut devenir pesant. Hors, j’ai beaucoup de mal à ne pas me laisser déconcentrer par la musique. Du coup, j’écris en écoutant le bruit de la pluie qui tombe, du vent qui souffle, de l’orage ou des crépitements d’un feu.

Mon second rituel consiste à me faire un thé. Ce n’est probablement pas tant le thé qui aide que l’acte de le préparer. De couper le cercle de procrastination (facebook/mail/articles/forum/blabla/youtube…) en me levant de mon bureau et de me dire :  » Quand je me rassois, j’écris « .

C’est con, sans doute. Mais vous savez quoi ? 90% du temps : ça marche.

the
site internet : ileauxepices

 

Les rituels d’inspiration

Comme il y a des rituels de motivation, il y a aussi pour moi des rituels d’inspiration. Car la procrastination n’est pas le seul soucis de l’écrivain posé devant son ordinateur. Parfois, la motivation est là, on a envie d’écrire, on s’est fait un thé, on a une musique de fond et un chat ronronnant sur les genoux et… non. Rien ne marche. On a une scène à écrire, mais on ne sait pas comment. On aligne quelques mots, quelques lignes, on efface, on recommence.

Dans ces cas là, il m’arrive d’utiliser mon super joker. Le rituel qui réveille ma Musse presque à coup sûr et dont je sors miraculeusement avec les phrases toutes écrites dans la tête : je vais prendre une douche.

Bon, j’évite de faire ça plus d’une fois par jour.

Mais parfois, quand vraiment l’écran d’ordinateur reste blanc et le cerveau en rade, le fait de me lever et de faire complètement autre chose, mais un autre chose qui laisse mon cerveau libre de vagabonder à sa guise, me permet de retrouver le fil.

Ca fonctionne aussi quand je vais marcher ou que je conduis. Bref, quand je réalise une activité monotone qui me permet de penser à autre chose. Et étrangement, quand il n’y a plus la pression d’aligner les phrases sur l’écran, celles-ci s’alignent soudain dans ma tête. Parfois sur la scène en cours, parfois sur tout autre chose (un projet en cours de brainstorming, un article de blog…). mais dans tous les cas, je ressors de là en ayant avancé.

Bref, ma Muse est un triton

Quoi qu’il en soit, si j’ai trouvé un point commun à tous mes rituels, qu’ils soient de motivation ou d’inspiration, c’est la présence de l’eau. Qu’elle soit dans le thé, dans le son de la pluie ou des pas dans la neige (mes deux favoris), celle de la douche, d’un trajet en voiture sous la pluie ou d’une ballade en bordure de rivière, c’est quand il y a de l’eau pas loin que ma Muse sort de son trou pour venir me souffler des histoires à l’oreille.

Je lui ai demandé si elle était une sirène, elle a fait la grimace et m’a dit  » Nan, j’suis pas une fille ! « . Ah, ok. Va pour triton alors, espèce de chose aquatique irascible.

triton.jpg
Male Triturus cristatus. Photo by R. Griffiths

Si cet article vous a plu et que vous en voulez plus, n’hésitez pas à aimer ma page facebook pour être tenu au courant des publications !

Correction, mon amour !

Vous vous demandez pourquoi les auteurs de votre connaissance passent leur temps à se plaindre des corrections? Pourquoi ce livre qu’on vous a promis et qui est terminé depuis 1 an n’a toujours pas été soumis aux éditeurs? Cet article vous apportera quelques réponses !

Apprendre à écrire :

Parce qu’écrire, c’est comme tout, cela s’apprend. Hors, il n’existe pas en France d’école ou de cours spécialisés. Du coup, apprendre à écrire, c’est souvent un cheminement solitaire, ou au mieux entouré d’une communauté d’autres apprentis auteurs ayant plus ou moins de bouteille (mais souvent beaucoup de bonne volonté).

Du coup, peut-être plus encore que dans les autres domaines, écrire s’apprend à coup d’essais et d’erreurs. Et pour se tromper, il faut d’abord faire. Dans notre cas, il faut avoir écris un livre, en entier. Il n’y a que comme ça qu’on peut réaliser tous les défauts de notre travail, non seulement dans la forme mais aussi et surtout dans le fond.

C’est ce qui fait qu’un jeune écrivain passera en général beaucoup plus de temps à corriger ses textes qu’il n’en a mis à les écrire. Parfois 2 ou 3, parfois 10 fois plus. Je ne perds pas espoir que cet état de fait s’arrange avec l’expérience. (S’il vous plait, faites que ça s’arrange!)

Pour prendre l’exemple de mon premier roman, j’ai mis 4 mois à l’écrire. Je l’ai corrigé trois fois, avant de me rendre compte qu’il était entièrement à refaire. Un an après avoir posé le point final, j’engageais donc un immense travail de réécriture. J’ai commencé il y a 8 mois, j’espère avoir terminé la première phase dans 2 à 3 mois. Puis je le ferais de nouveau relire pour une seconde passe.

Vous vous demandez peut-être si une réécriture complète n’était pas exagérée, je vais donc vous indiquer dans les grandes lignes les éléments que j’avais à retravailler. Bien sûr, il ne s’agit que de mon cas personnel. Mais je pense que beaucoup de jeunes auteurs se retrouvent confrontés à ces même défauts sur leurs premières années.

Vu la longueur de ce début d’article, je vais commencer par traiter les problèmes de forme. Je reviendrais plus longuement sur le fond dans un prochain message, car il y a encore plus à dire dessus.

Les défauts de forme :

Le tell, c’est le fait de raconter les évènements. Vous allez me dire que ça tombe bien, parce que vous essayez justement de raconter une histoire. Pourtant, l’une des règles de base que l’on retrouve dans tous les conseils d’écriture, c’est : « Show, don’t tell ! ». Autrement dit : Ne dis pas, montre !

En effet, l’un des défauts de style les plus courant des jeunes auteurs est de vouloir raconter au lecteur ce qui arrive à leurs personnages au lieu de le leur faire vivre. Ce défaut induit une distance entre le lecteur et les protagonistes. Alors qu’un auteur qui vous fait plonger dans la tête et le corps de ses personnages vous accrochera jusqu’au dernier mot.

C’est la différence qui existe entre : « X était très en colère. Il s’efforça cependant de se calmer. » et « X sentit la colère le gagner. Il serra les poings, le corps tendu de fureur. Non, je dois me calmer. » *

Les descriptions sont indispensables pour permettre à vos lecteurs de visualiser les décors dans lesquels évoluent vos personnages. Certains auteurs et lecteurs en raffolent et prennent le temps de vous détailler le moindre lieu et le moindre figurant. D’autres détestent et préfèrent laisser parler l’imagination de chacun qui situera les actions dans un univers qui lui parlera personnellement.

Aucune de ces techniques n’est meilleure que l’autre, il s’agit vraiment d’une préférence individuelle.  Moi, je fais partie du second groupe. À la lecture, il n’est pas rare que je saute une partie des descriptions (de toute façon, je suis incapable de mémoriser la couleur de cheveux du héro, alors ne vous fatiguez pas pour moi). À l’écriture, je ne peux pourtant pas complètement m’en affranchir si je veux happer le lecteur et rendre les actions compréhensibles.

Quoi qu’il en soit, longue ou courte, il n’y a rien de plus ennuyeux (ni de plus tell) qu’une description mal faite. Là aussi, une description doit se vivre. Lister les éléments de décors présents n’est jamais intéressant. Ce qui l’est, c’est de montrer comment le personnage réagit, interagit avec ces éléments. C’est le principe de la description en mouvement.

C’est la différence entre « La jeune femme était petite et menue. Ses cheveux blond étaient longs, et ses yeux avaient la couleur de l’eau. » et « La jeune femme s’avança, avec une assurance qui contrastait avec sa petite taille et sa silhouette menue. Il observa les longs cheveux blonds, plus clairs encore que ceux de sa soeur. Un sourire plissa le coin de ses yeux et il y plongea, retrouvant dans ses prunelles le bleu de l’étang près de chez lui. »

Dernier élément sur les descriptions. Vos personnages, s’ils sont humains, explorent le monde à l’aide de 5 sens. Alors pourquoi ne vous limiter qu’à un seul lorsque vous évoquez les décors dans lesquels ils évoluent? Ne sous-estimez jamais l’importance d’une ambiance sonore, d’une odeur, d’une sensation sur la peau.

Les dialogues, enfin, ne sont jamais un simple enchainement de répliques. Lorsque vous parlez avec quelqu’un, vous ne vous contentez pas du sens de ses mots. Votre communication passe par le ton de vos voix, vos gestes, vos mimiques. Le langage non verbal représente plus de la moitié de la communication entre individus, qu’ils en aient conscience ou non. Ne privez pas vos lecteurs de cet élément essentiel.

« — Comment tu vas ?
— Bien.
— Vraiment ?
— Moi ça va. Mais je m’inquiète pour X. »

« — Comment tu vas ?
— Bien.
La réponse peu enthousiaste couplée à une tête de deux pieds de long ne le convainquit guère.
— Vraiment  ?
Son ami le regarda et eut un sourire embarrassé. Il baissa la voix.
— Moi ça va. Mais je m’inquiète pour X. »

De plus, un dialogue n’est jamais vraiment déconnecté de ce qui entoure les protagonistes. Il ne se déroulera pas de la même manière, n’aura pas la même signification selon que vos héros seront seuls dans une petite pièce silencieuse, ou dans un bar bruyant et rempli de potentielles oreilles qui trainent.

Bon… je crois que vous ai assez embêté pour aujourd’hui. Je reviendrais donc plus tard pour développer les soucis de fond auxquels j’ai dû, en bonne jardinière amatrice **, faire face lors de mes corrections.

 

*Mes exemples ont été créés tout spécialement pour l’occasion. Alors ils sont bateaux, et sans doute un peu nuls. Mais je pense qu’ils permettent de mieux comprendre ce dont je parle.

**On appelle « jardinier » un écrivain qui écrit ses histoires « au fil de la plume », sans aucune préparation préalable (et souvent sans savoir où cela va le mener). Cette technique s’oppose à celle de l’architecte qui fera des plans, et ne commencera à écrire vraiment qu’une fois toute la structure de l’histoire posée.